Le défunt
MAHFOUD NAHNAH
Le premier président du Mouvement de la société pour la paix (MSP)
Né le 23 janvier, 1942, à Blida, Mahfoud Nahnah est licencié en lettres arabes et en psychologie industrielle. Affilié au mouvement des Frères musulmans, il cultive l'image de l'islamiste modéré face au FIS.
Condamné à 15 ans de prison en 76 pour avoir
scié des poteaux électriques, il sera libéré quatre années plus tard. Après
octobre 88, il fonde avec le cheikh Mohamed Bouslimani l'association caritative
El-Islah Oual Irshad (Réforme et orientation). Il participe à la fondation
de la Ligue de la Prédication Islamique sous la houlette de cheikh Ahmed Sahnoun.
Les principales figures de la mouvance islamiste, dont Abassi Madani et Mohamed
Saïd, s'y retrouvent.
La création du Front islamique du salut (FIS), en février 89, entraîne la
fin de cette tentative d'unification. La victoire écrasante du FIS aux élections
locales de juin 90 brusque les préparatifs de création d'un parti politique.
Le 6 décembre 90, Nahnah fonde le Hamas, le mouvement de la société islamique,
en puisant largement dans les cadres de l'association El-Islah Oual Irshad.
Le sigle du parti et la date de sa création, le troisième anniversaire de
l'Intifada, font référence à la Palestine.
Nahnah, qui se pose en adversaire résolu du
FIS, n'est pas loin de considérer qu'Abassi Madani et ses compagnons veulent
usurper et dilapider le fruit du travail de prédication effectué clandestinement
durant deux décennies. De fait, Mahfoud Nahnah et son mouvement sont représentatifs
d'une classe moyenne arabophone (enseignants, universitaires et commerçants)
qui n'entend pas révolutionner le système politique mais y trouver une place.
D'où le triptyque sans cesse ressassé par Nahnah: modération, « marhaliya »
(étapisme) et participation. La volonté du FIS de prendre le pouvoir, même
par les urnes, lui paraît non seulement irréaliste mais dangereuse. Dans un
de ses écrits, Nahnah souligne que le pouvoir et les Etats occidentaux ne
sont pas prêts à admettre un Etat démocratique en Algérie et qu'il est absolument
exclu qu'ils admettent un Etat islamique.
Ce réalisme, qui ne sied pas aux troupes déshéritées du FIS en proie à d'énormes
urgences sociales, le met constamment du coté du pouvoir. La stratégie de
participation, que les anti-islamistes qualifient d'« entrisme »,
le pousse à saisir toutes les opportunités offertes par le pouvoir. Il s'accommode
sans état d’âme de l’arrêt du processus électoral en janvier 92.
Il assiste à la première rencontre de Sant’ Egidio, puis rentre à Alger
pour dénoncer les « ingérences étrangères » et participer à la campagne
du pouvoir contre le Contrat de Rome.
Cette attitude lui vaut d’être candidat aux présidentielles de novembre
95 aux cotés de Zeroual, Sadi et Boukrouh. Son parti, devenu MSP (Mouvement
de la société de paix) en vertu de la nouvelle loi sur les partis qui interdit
l’usage du qualificatif « islamique », entre au Parlement,
où il participe au gouvernement de coalition formé par Ouyahia.
Ce soutien politique sans faille apporté au
pouvoir depuis 1992 ne lui ouvre pourtant pas la voie à la participation aux
élections présidentielles d'avril 1999. Moussebel (agent de liaison) durant
de la guerre de Libération (fait confirmé par les moudjahidines de la région
de Blida), Nahnah a commis l'imprudence de ne pas se munir à temps d'une attestation
de moudjahid. Le Conseil constitutionnel invalide sa candidature. Ses lieutenants
accusent le pouvoir et annoncent publiquement qu’ils ne soutiendront
jamais le candidat du « consensus », Abdelaziz Bouteflika.
Pourtant, à la surprise générale, Nahnah appelle à voter pour lui. De nombreux
militants, pourtant très disciplinés, se sont discrètement retiré à la suite
de ce ralliement, en estimant que le « réalisme » du cheikh était
allé trop loin.
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