HOCINE AÏT-AHMED
Secrétaire général du Front des forces socialistes (FFS)
« Le patriotisme aujourd'hui, c'est la
démocratie. » C'est ainsi que leader du FFS définit le sens de sa vie
politique de l'après-Indépendance. Il aura réussi ainsi à se donner une seconde
identité aussi forte que la première, pourtant si emblématique, de dirigeant
historique de la lutte armée pour la libération nationale. Hocine Aït-Ahmed
demeure, à 74 ans, la figure de proue de l'opposition algérienne. Ni son exil
prolongé en Suisse, que même des proches ont fini par lui reprocher, ni les
crises de direction cycliques qui secouent son parti n'ont réellement entamé
son aura d'opposant.
Né le 20 août 1926 à Aïn El-Hamam, en Grande
Kabylie, titulaire d'un doctorat en droit de l'université de Nancy, M. Aït-Ahmed
aura passé prés de 30 ans de sa vie en exil. Condamné à mort en 1963, après
avoir été ministre d'Etat au sein du Gouvernement provisoire et élu à l'Assemblée
constituante, il s'évade de la prison d'El-Harrach en 1966. Il ne rentrera
en Algérie qu'au lendemain des émeutes d'octobre 1988. Après l'assassinat
du président Mohamed Boudiaf en 1992, il s'éclipse du pays jusqu'aux élections
présidentielles d'avril 1999. En pleine campagne électorale il est terrassé
par un malaise cardiaque.
Sa fréquentation de l'Internationale socialiste, dont le FFS est membre, fait
ressembler son personnage à ceux des « patriarches de gauche » comme
Mario Soares au Portugal ou Papandréou en Grèce, endurcis par de longues oppositions
à des dictatures. À la différence que lui n'exercera jamais le pouvoir. Ce
qui, en définitive, le rapproche plus de la figure marquante qui domine sa
jeunesse politique, Messali Hadj. Tout comme, d'ailleurs, une forte propension
à s'appuyer beaucoup, en ce qui concerne ses luttes en Algérie, sur les opinions
démocratiques occidentales.
Hocine Aït-Ahmed n'est pourtant pas un personnage
suranné. Il s'est imprégné tôt de la culture populaire maraboutique qui sous-tend
l'islam rural. Son père était caïd et sa famille liée au cheikh de la zaouia
du village, à Ain-El-Hammam en Haute Kabylie. L'arabe lui est donc familier.
Il ne sera jamais berbèriste au sens où le seront les jeunes militants qui,
comme Saïd Sadi, rejoignent clandestinement son parti dans les années 70.
Il se retrouve d'ailleurs souvent à contenir les débordements de la question
berbère hors de son lit démocratique vers des berges « nationalitaires »
incertaines. Confronté à la crise berbériste de son parti, le PPA-MTLD, en
1949, Aït-Ahmed choisit déjà une attitude modérée qui préserve l'unité des
rangs. Ce qui ne l'empêchera pas de perdre sa fonction de chef de l'organisation
spéciale (OS) chargée secrètement de préparer l'insurrection armée.
Avant son arrestation en octobre 1956 dans l'avion
des chefs du FLN détourné vers Alger, il se révèle comme un éminent ambassadeur
de la Révolution algérienne à travers le monde. Il en a définitivement gardé
le devoir d'interpeller la communauté internationale lorsqu'il s'agit des
questions graves qui touchent le sort des peuples.
En 1980-81, lors du « Printemps berbère », il pèse dans le même sens
de la mesure et se brouille pour cela avec quelques fougueux militants du
FFS.
Lors de la grève scolaire de 1994-1995 en Kabylie pour l'enseignement du tamazight
à l'école, ou durant les journées terribles de l'enlèvement de Matoub Lounés
en 1994, la voix d'Aït-Ahmed joue l'apaisement contre les risques de dérive.
Ses thèmes de rupture sont ailleurs. « Il est arrivé trop jeune aux hautes
responsabilités dans le PPA-MTLD et cela a gâché le reste de sa vie politique »,
disent certains de ses compagnons de lutte devenus des adversaires politiques.
Ce sont les combats d'Aït-Ahmed qui paraissent surtout.
Activiste révolutionnaire dès les années 40 quant l'appareil du parti vire
au reformisme, défenseur des libertés lorsque le socialisme centralisé fait
mine de triompher sous Boumediène, partisan du respect de la légalité constitutionnelle
dès le premier bruit de bottes après la victoire électorale du FIS…
les événements ont presque toujours donné raison à Aït-Ahmed.
Il reste l'épisode du maquis du FFS de 1963-65 que ses anciens compagnons de la guerre de Libération nationale hésitent à inscrire à la colonne de ses actes les plus lucides. L'historien Mohamed Harbi, au FLN à l'époque des faits, estime que l'action armée du FFS a accéléré l'arrivée de l'armée au pouvoir en juin 1965. Pour Aït-Ahmed, l'armée était déjà au pouvoir, cachée derrière Ahmed Ben Bella. L'armée qui s'accapare de l'intelligence politique de tout un pays: voilà le grand scandale d'époque qui révulse Aït-Ahmed.
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